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Économie

Tickets-restaurants étudiants : les syndicats s’y opposent et dénoncent "une fausse bonne idée"

Le Sénat a adopté en première lecture, jeudi 10 juin, une proposition de loi visant à créer "un ticket-restaurant étudiant". Sur le papier, une mesure pour aider les étudiants face à la précarité. En réalité, "une fausse bonne idée", dénoncent les syndicats. Décryptage.

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Tickets Restaurants / Chèque Déjeuner

Les tickets restaurants pour étudiants seraient de 6,60 euros, dont 3,30 euros financés par eux-mêmes.

PHILIPPE HUGUEN / AFP

Un ticket-restaurant de 6,60 euros pour les étudiants: bonne ou mauvaise idée? La mesure adoptée au Sénat en première lecture parait sur le papier idéale: les étudiants faisant partie des zones délocalisées – à l’origine, à destination de tous puis réduite à ceux des "zones blanches" en commission – pourraient grâce à un ticket-restaurant, aller se nourrir n’importe où sans difficulté. Mais dans les faits, pour les syndicats étudiants, cette proposition de loi déposée par Pierre-Antoine Levi, sénateur du Tarn-et-Garonne, ne les aiderait pas forcément mais les enfoncerait au contraire dans une spirale de malbouffe sans pointer les vrais problèmes de précarité.

En présentant son projet, Pierre-Antoine Levi a insisté sur la détresse des étudiants, notamment à la suite de la crise sanitaire et économique actuelle: "Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été très sollicité par des étudiants en détresse. Des jeunes garnissant les files d’attente des restos du cœur, ce sont des images qui ne sont pas tolérables dans notre pays en 2020". Une telle proposition de loi devrait alors ravir cette population, durement touchée par la crise.

6,60 euros pour un repas complet? Impossible selon les syndicats

Mais ce n’est pas l’avis des syndicats: "Cette proposition de loi est totalement une fausse bonne idée pour plusieurs choses, dont son montant et son utilisation", explique Paul Mayaux, président du syndicat FAGE (Fédération des associations générales étudiantes). Son montant? 6,60 euros: la moitié soit 3,30 serait payée par l’étudiant, ce qui correspond au prix d’un repas CROUS avant la crise et l’autre moitié serait prise en charge par l’Etat. "Aujourd’hui, avec 6 euros, il est difficile d’avoir un repas équilibré avec entrée, plat et dessert. Nous avons alors peur que les étudiants bénéficiaires se tournent vers la malbouffe", précise-t-il. "Il est vraiment difficile dans le privé d’avoir un repas complet et en place assise pour 6,60 euros", recnhérit de son côté Adrien Liénard, vice-président de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France). Son utilisation? N’importe où, selon le projet de loi, ce qui pourrait accentuer son utilisation vers les fast-foods. Critique à laquelle Pierre-Antoine Levi s’est défendu dans l’hémicycle: "Les étudiants n’iront pas s’acheter de la junk food tous les jours. Arrêtons de les infantiliser, ils valent bien mieux que cela".

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Pour la FAGE, l’idéal serait plutôt de développer l’accès aux restaurations collectives: "Cela se fait très bien pour les étudiants en médecine dans les restaurants des CHU. L’Etat pourrait compléter le supplément du prix du repas, au-delà de 3,30 euros". L’avantage de ces restaurations collectives pour ce syndicat, c’est qu’ils doivent obligatoirement respecter la loi EGalim du 30 octobre 2018 qui fixe un objectif de 20% de produits issus de l’agriculture biologique et la mise en place d’au moins un menu végétarien dans la semaine, ainsi que la réduction de l’utilisation de plastique. "Les restaurations privées dans lesquelles ces tickets pourraient être utilisés ne prennent pas en compte ces enjeux, qui sont aujourd’hui essentiels", précise Paul Mayaux à la FAGE. L’UNEF soutient cette idée: "Les conventions entre le CROUS et les restaurations collectives privées ou publiques comme les cantines doivent être multipliées. Le CROUS doit garder ce droit de regard sur les repas proposés: ils doivent continuer à être complets, équilibrés et à bas prix", explique le vice-président de l’UNEF.

"Le problème de la précarité étudiante est plus profond que les tickets-restaurants"

Pour Adrien Liénard, l’Etat doit surtout maintenir les aides mises en place en urgence pendant la crise sanitaire et multiplier les aides directes: "La précarité étudiante a explosé et a été médiatisée pendant la crise sanitaire, mais elle n’a pas débuté à ce moment-là. Le problème est plus profond que la mise en place ou non de tickets-restaurants". L’UNEF milite alors pour la continuité du repas à 1 euro, pour tous les étudiants et en priorité les boursiers. Mais pour le rapporteur de cette proposition de loi pour la commission, le sénateur Jean Hingray, la mise en place de repas à 1 euro "ne constitue pas un modèle économique viable. Un repas coûte sept à huit fois le tarif. Il est là pour répondre à une situation d’urgence, or le ministère ne peut pas nous dire si cela va évoluer", a-t-il précisé lors de la séance du jeudi 10 juin à l’Assemblée nationale. Sur le même modèle que la continuité des repas à 1 euro, la FAGE demande au CROUS de continuer les services de repas à emporter. Rappelons qu’actuellement les étudiants peuvent bénéficier de deux repas au prix d’un euro symbolique, soit à emporter, soit dans les restaurants universitaires CROUS.

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Enfin, pour l’UNEF, le fonds envisagé pour la mise en place de ces tickets-restaurants pourrait être versé de manière directe: "Les étudiants des zones délocalisées n’ont pas forcément les mêmes problèmes que les autres. Beaucoup habitent chez leurs parents et ont par exemple besoin d’une voiture pour se rendre en cours. Cette aide pourrait leur être utile dans ce sens", argumente Adrien Liénard. "De plus, nous demandons toujours une refonte du système de bourse. Cela fait trois fois que Frédérique Vidal (ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, NDLR) nous la promet, mais on n’en voit toujours pas la couleur", ajoute-t-il. Mesure que la FAGE demande également en priorité.

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